
Je vous le disais dans ma rubrique précédente : derrière chaque Bajan* se cache un artisan. Que ce soit pour un revenu alternatif, pour compenser le coût de la vie ou pour pallier l’offre limitée sur l’ile, de nombreux habitants de la Barbade s’improvisent selon les besoins, peintres, ferblantiers, artistes, jardiniers, et souvent avec succès.
Tel est le cas de Russell Manning, instructeur de plongée avant la Covid. Sa mère se doutait-elle qu’en exprimant son besoin d’un grand pot pour y planter un arbre elle allait pousser son fils, désoeuvré pendant le confinement, vers une brillante reconversion professionnelle ? C’est ainsi qu’est née la première pièce réalisée par ce jeune homme, à partir d’un vieux baril de rhum usité qu’il avait acheté avant la fermeture des commerces. Encouragé par son succès, Russel s’essaye alors à la fabrication de petits meubles : tables d’appoint, étagères, miroirs...Peu à peu, les cours techniques de l’école obligatoire -menuiserie, dessin, soudure, résistance des matériaux, etc.- lui reviennent à l’esprit. Il s’enhardit alors à construire des meubles nécessitant des calculs physiques et réalise des modèles glanés par son père sur des sites de décoration. Alors qu’il démonte les lattes des barils de rhum, les scie, les soude, les visse sur la base de savants calculs et de maquettes, sa mère ponce, peint, polit... Apparaissent alors des tables, des fauteuils, des armoires à vin... Le tout posté sur son compte Instagram Barreldecorbarbados.
La Covid disparue, Russell, enthousiasmé par ses réalisations ne reprend pas ses activités aquatiques ; il préfère élargir son offre de meubles. Jusqu’au jour où une commande aussi inattendue qu’impressionnante arrive : meubler la salle de dégustation du rhum Mount Gay dans le célèbre lieu touristique Harrison Cave. Un succès entraînant un autre, c’est l’hôtel Hilton qui lui confie ensuite la réalisation de son nouveau bar à rhum. Allez y jeter un coup d’oeil : difficile de croire que tout a été réalisé uniquement à base de barils de rhum, par les seules mains de ce jeune artisan et sans autre aide que celle de sa mère. Chapeau !
*Bajan » (prononcer Beydjan): substantif et adjectif dérivé de « Barbadian ». Indique l’appartenance à la Barbade.
Jihane Sfeir
Décembre 2024