Avec le décès inattendu du Professeur Pedro Welch, La Barbade perd un grand homme. Eminent historien, éditeur en chef du Journal du Musée de la Barbade, membre du Comité de candidature de Bridgetown pour inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, vice-recteur du Campus Cave Hill de l’Université de la Barbade (UWI) et j’en passe.
Si son décès me touche personnellement, c’est que j’ai eu la chance d’assister à ses conférences sur les Réparations dues aux pays des Caraïbes ayant subi l’esclavage, lors des trois sessions du programme « Caribbean English and Culture for Interpreters » que j’ai organisées à la Barbade en 2019, 2020 et 2023. Outre l’intérêt académique de ses présentations, c’est la personnalité du Professeur Welch qui rendait ses cours aussi captivants qu’émouvants. Comment rester indifférents lorsqu’il égrainait en toute simplicité, sérénité, sans esprit de revanche, les actes de racisme caractérisé qu’il avait subis pendant ses séjours de jeunesse en Angleterre ? Pour nous, public occidental, les notions de racisme, d’injustice et de discrimination que nous pensions connaître prenaient tout d’un coup un visage, un nom.
C’est avec ce même engagement à coeur ouvert que le Professeur Welch a toujours mis son expérience personnelle et ses recherches historiennes au service de son pays, la Barbade et de la communauté caribéenne dans son ensemble, pour défendre la cause des Réparations qui lui tenait tellement à coeur.
En conjuguant rigueur historienne, intégrité intellectuelle, modestie et humanité, le Professeur Welch réussissait à faire valoir son interprétation de l’Histoire telle que ressentie par les victimes de l’esclavage et leurs descendants en se fondant sur des faits objectifs et documentés, pour que justice soit faite.
Je ne peux m’empêcher de relater notre dernière rencontre qui m’avait tout autant émue que ses cours, dans un cadre inattendu en septembre 2024: à Accra Beach, sur la côte Sud de la Barbade, alors qu’on se baignait tous les deux dans la magnifique mer des Caraïbes.Tout en barbotant dans l’eau, il m’avait longuement raconté avec beaucoup d’émotion la femme extraordinaire que sa mère - récemment décédée - avait été. Dame Maizie Barker-Welch, parlementaire et grande activiste pendant plusieurs décennies, a en effet fait progresser la cause des femmes à la Barbade, dans les Caraïbes et dans le monde grâce à son engagement intellectuel et politique aux niveaux local, régional et multilatéral. Nul doute que son héritage éthique et intellectuel a été dignement repris par son fils historien.
Avec la perte de ces deux membres de la famille Welch, la Barbade est bien endeuillée.
Au-revoir, Professeur Welch !
Jihane Sfeir