Au coeur de Bridgetown, Union at Beckwith - Juin 2025

Union at Beckwith

Bridgetown est en pleine métamorphose. Sur une longueur non négligeable du front de mer, des grues s’activent, des banderoles annoncent avec enthousiasme la naissance prochaine d’un nouveau quartier moderne, promesse d’emplois et de croissance.

A quelques pas de là, ce samedi après-midi, les anciens bâtiments coloniaux de Bridgetown -en mal d’entretien- semblent endormis, pour ne pas dire désertés.

Entraînée par une amie, je pousse, intriguée, la porte délabrée d’une bâtisse qui me semble abandonnée. Nous traversons une pièce remplie de matériel de bricolage, de peintures et de céramiques, sortons par une autre porte. Et là, Surprise ! Un ravissant patio carré nous attend, entourant un îlot verdoyant de plantes vigoureuses. Tout autour, des enfants, une conteuse, une animatrice, une table de bricolage, des livres, des cahiers, un goûter.. Ça grouille de bonne humeur, de vitalité et de vie ! « C’est un atelier de lecture à l’occasion de la journée internationale du livre », m’explique mon amie. Je suis happée par la magie du lieu, les rires des enfants. La Barbade n’arrêtera pas de me surprendre. Mais je ne comprends toujours pas où je me trouve.

Et là, le créateur de ce petit coin de paradis apparaît : Israël Mapp, un artiste multi-disciplinaire qui a abandonné son métier d’architecte pour se consacrer au projet dont il rêvait : un centre de collaboration artistique au service de la communauté de Bridgetown.

Ce bloc carré de bâtiments de deux étages abritait l’ancien centre commercial Beckwith, bien connu des Bajans*, jusqu’au moment où il a été abandonné. Après s’être battu depuis 2016 pour « adopter » le bâtiment, Israël a passé des mois avec l’aide d’autres volontaires à vider le patio des gravats et des herbes folles qui l’envahissaient, à poncer, renforcer, peindre.

Grâce à des donations et des subventions, cet artiste qui se définit comme un «Créateur d’espaces urbains» a réussi à redonner vie à ce lieu magique, baptisé «Union at Beckwith», grâce à l’association à but non lucratif Union Collaborative Inc. dirigée par un Conseil d’administration de 5 personnes.

Avec la nature qui a repris le dessus, l’espoir est bien là. Israël y croit. Petit à petit, il conquiert les différentes pièces abandonnées- une boutique de seconde-main, une échoppe de cordonnier, etc- les restaure et les transforme en des espaces de créativité et d’accueil : un studio (la pièce d’entrée) dans lequel il s’adonne à la céramique et au tissage ; une bibliothèque dans laquelle survit la magnifique fresque d’art urbain peinte par le célèbre artiste street art Izebo, aujourd’hui décédé ; une vitrine donnant sur la rue pour exposer les oeuvres des artistes et bientôt un atelier de céramique pour femmes.. Ce lieu en devenir qui se développe au gré des fonds disponibles accueille des artistes en résidence, des conférences sur l’identité culturelle caribéenne, des apéritifs pour le lancement d’un livre, des ateliers d’écriture, des activités pour enfants, des débats entre adolescents et bien d'autres activités culurelles. 

Les possibilités sont nombreuses, la bonne volonté abonde. Seuls les fonds manquent. Israël ne se lasse pas de rechercher des investissements pour réaliser son double rêve : offrir un espace d’expression culturelle et de créativité aux habitants de Bridgetown. Et surtout, maintenir l’âme de Bridgetown et sauver le coeur de la ville des coups de buldozers.

 

*Bajan (pr. bay-djun): Adjectif ou substantif dérivé de « Barbadian » désignant l'appartenance à la Barbade

Jihane Sfeir

Juillet 2025